Comment intégrer la réduction des risques et des dommages (RdRD) dans le paysage urbain ? Une première piste (à bons entendeurs) serait peut-être déjà de commencer par parler de Halte Soins Addictions (à la rigueur de salle de consommation à moindres risques) plutôt que de salle de shoot, comme on le lit ou l’entend encore trop souvent. Tellement évident et pourtant.
Cela fait déjà quelques années que l’idée (l’envie ?) d’écrire sur le sujet me titillait. Entre manque de temps et autres priorités, tout cela était resté en suspens … tout en gardant malgré tout un œil grand ouvert sur l’ouverture hypothétique de cette fameuse salle, prévue déjà depuis plusieurs années.
La recherche d’un lieu adapté semblait compliquée, la récente actualité d’une salle trouvée boulevard de la Libération ne pouvait donc qu’être une excellente nouvelle. Comme il fallait s’y attendre, la vindicte des riverains fut vive (c’était déjà le cas lorsque l’ouverture avait été évoquée vers la Conception il y a quelques années), la riposte ne se faisant pas attendre : porte et alentours du local vandalisés à grands coups de tags « NON A LA SALLE DE SHOOT », manifestations, pétition, posts plus ou moins vindicatifs sur les réseaux sociaux etc.
Loin de moi l’idée d’accabler avec force les riverains et commerçants du quartier, dont on peut entendre les craintes et les inquiétudes. Soyons clairs, dans un contexte législatif largement centré sur la répression plutôt que la prévention (même si la dernière stratégie interministérielle publiée permet d’avoir un peu d’espoir), l’appellation « salle de shoot » bien ancrée dans les esprits (et largement véhiculée par les médias et le grand public) ne joue pas en la faveur de son acceptation et de son intégration dans le paysage urbain.
« Open-bar de la défonce autorisée » pour les uns versus « enjeux de santé et de tranquillité publiques » pour les autres, la dénomination du lieu et les représentations qui peuvent y être rattachées ont toute leur importance dans ce qui se joue ici. Car malgré les esprits galvanisés par une farouche opposition au projet (galvanisation largement alimentée par certains … la récupération politique n’étant jamais bien loin), l’ouverture d’une Halte Soins Addictions à Marseille - 7 ans après celles de Paris et Strasbourg- a toute sa légitimité dans le cadre de la réduction des risques et des dommages.
À en croire certains, la rue de la Libération se transformerait en véritable « coupe gorge » envahie de zombis sous produits psychoactifs (le remake marseillais du clip Thriller vous l’avez ?), en oubliant totalement qu’ils en côtoient tous les jours, sans le (sa)voir, des personnes sous produits.
Est-ce que finalement ce ne serait pas ça le (leur ?) problème : rendre visibles les invisibles et mettre au jour la réalité de leur existence ? Il serait peut-être donc grand temps d’opposer, à la stigmatisation du public accueilli, un peu (beaucoup) de citoyenneté et d’humanité.
Souhaitons que le dispositif d'information et de communication déjà mis en place et les réunions d'information prévues prochainement par les porteurs du projet arrivent à calmer (et rassurer) les esprits.
Quelques liens (non exhaustifs) pour approfondir le sujet :
Pour avoir une meilleure visibilité la prise en charge en HSA et son intérêt médicosocial, le reportage réalisé par Konbini dans une salle à Paris.
Pour plus d’infos sur ce qu’est la RdRD, on se prend un petit café et on s’en va lire ce document très instructif.
Sur la stratégie interministérielle de lutte contre les conduites addictives 2023-2027, cet article fort bien écrit sur le site de Fédération Addiction.
© Hélène ZINGRAFF 2023 - Tous droits réservés
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